3ème festival de films d'opéra
Opéra-film-art le premier festival de films d’opéra
du 6 au 26
juin 2017
toutes les séances ont lieu au cinéma Le Balzac - 1, rue Balzac - 75008 Paris
tél : 01 45 61 10 60 - métro : Charles de
Gaulle Étoile
– 6 juin, 20h30 * LA DAME DE PIQUE
– 8 juin, 19h30 *
DON GIOVANNI
– 11juin, 20h30 * TOSCA
– 14 juin, 20h30 * LES NOCES DE FIGARO
– 15 juin, 18h30 * PARSIFAL
– 19 juin, 20h30 * LE MIKADO / DU JOUR AU LENDEMAIN
– 22 juin, 20h30 * L'ÉTOILE
– 25 juin, 20h30 * LA VEUVE JOYEUSE (avec Pierre-Alain Volondat, piano)
Mardi 6 juin
LA DAME DE PIQUE, de Tchaïkovski, réalisé par Roman Tikhomirov (1960, 100 min.)
Avec Oleg Strizhenov (Herman, chanté par Z.
Andjaparidze), Olga Krasina (Lisa, chanté par T. Milashkina), Elena Polevitskaya
(La Comtesse, chanté par S. Preobrazhenskaya), Valentin Kulik (Yeletski, chanté
par E. Kibkalo), Vadim Medvedev (Tomski, chanté par V. Nechipailo), Orchestre du
Théâtre Bolshoi dirigé par Evgeny Svetlanov
Tandis que Vera Stroieva porte le
public de son Boris Godounov au coeur même d’une scène idéale du Bolchoï,
Tikhomirov joue le pur jeu de l’adaptation cinématographique d’un classique.
Chaque couleur de costume, chaque fumée de cigarette, contribue à recréer
l’atmosphère passionnée et étrange de la nouvelle de Pouchkine. Les costumes
d’officier et les somptueuses salles de bals n’offrent aux jeunes gens qu’une
illusion insuffisante de bonheur. Strizhenov, alors fameux jeune premier
romantique du cinéma soviétique, a le regard fiévreux et fatal qui porte à la
faute les jeunes filles trop bien vêtues et bien élevées. Son front se déforme
au gré des rêves d’amour, qui portent son ombre auprès des lieux de l’argent et
du crime.
*
Jeudi 8 juin
DON GIOVANNI de
Mozart, réalisé par Paul Czinner d’après la mise en scène de Herbert Graf
(1954, couleurs, 180 min.)
avec Cesare Siepi (Don Giovanni ), Otto Edelmann
(Leporello ), Elisabeth Grümmer(Donna Anna ), Anton Dermota (Don Ottavio), Lisa
della Casa (Donna Elvira), Erna Berger ( Zerlina ), Walter Berry (Masetto),
Dezső Ernster (le commandeur), orchestre philharmonique de Vienne, dirigé par
Wilhelm Furtwängler
Si Herbert Graf put réaliser
lui-même en 1956 le remarquable film des Noces de Figaro (présenté le 14 juin
au cours du festival), c’est à Paul Czinner que fut confiée la réalisation de
ce film, d’après la mise en scène de Graf. Czinner, réputé pour ses films
adaptant des œuvres littéraires, avait l’intention déclarée de recueillir pour
la postérité des réalisations scéniques remarquables, en élaborant des films
réfléchis, hors de l’agitation des représentations (son Chevalier à la rose, en
collaboration avec Karajan, est bien connu). Le film commence avec les deux
célèbres cadres de Furtwängler dirigeant l’ouverture, vu simplement en
alternance avec les yeux du public et ceux des musiciens. Czinner se tient tout
au long du film, à cette modestie apparente – soucieuse de l’ensemble et
allergique aux gros plans - devant l’œuvre de Mozart et la mise en scène de Graf.
Ici, on reste au théâtre, en compagnie des fameux chanteurs mozartiens des
années 50, et la comparaison avec le film des Noces de Figaro réalisé par Graf
en devient captivante.
*
Dimanche 11 juin
TOSCA,
de Puccini, réalisé par Benoit Jacquot
avec Angela Gheorghiu (Tosca), Roberto Alagna (Cavaradossi),
Ruggero Raimondi (Scarpia), Maurizio Muraro (Angelotti), David
Cangelosi (Spoletta), Enrico Fissore (le sacristain), chœurs
et orchestre de la Royal Opera House Covent Garden, dirigés par Antonio Pappano
Benoit Jacquot, apprécié par les grandes
maisons d’opéra pour ses mises en scène soucieuses des contraintes et
traditions scéniques, a voulu par contraste donner un aspect purement
cinématographique à sa Tosca filmée. Tout en étant attentif au jeu des
comédiens, il essaie de perturber la perspective visuelle du spectateur par des
mouvements de caméras enveloppants, des inserts parfois audacieux ou de brefs
dialogues. Jacquot se montre habile à exploiter le gigantisme des studios de
Cologne et suffisamment souple pour jouer de l’artificialité de la
postsynchronisation, alors qu’il avait prévu d’enregistrer les chanteurs en son
direct. Plus de vingt ans après le Don Giovanni de Losey qui l’avait rendu
mondialement célèbre, Ruggero Raimondi s’impose physiquement
et crée un vrai personnage de cinéma, hors des conventions.
*
Mardi 13 juin
PARSIFAL, de Wagner, réalisé par Hans-Jürgen Syberberg (1982,
270 min.)
avec Armin Jordan (Amfortas, chanté par Wolfgang
Schöne), Martin Sperr (Titurel, chanté par Hans Tschammer), Robert Lloyd
(Gurnemanz), Michael Kutter et Karen Krick (Parsifal, chanté par Reiner
Goldberg), Aage Haugland (Klingsor), Edith Clever (Kundry, chanté par Yvonne
Minton), Orchestre philharmonique de Monte Carlo dirigé par Armin Jordan
Voulant réaliser un Parsifal tel
qu’on ne pourrait le voir sur aucune scène, Syberberg convoque maints artifices
du cinéma. Dans des couleurs qui évoquent l’ancien art allemand, ses
bas-reliefs et ses enluminures, les personnages, aux avatars parfois
surprenants, accomplissent des actions qui ont la force de rituels au milieu de
multiples symboles. Edith Clever emplit, avec une présence qui la sort du
théâtre, des plans-séquences de plusieurs minutes. Parsifal se métamorphose
pour devenir l’homme nouveau et
androgyne que Siegfried n’était pas parvenu à devenir. Dans ce film inhabituel,
Syberberg pousse à son comble sa conception de l’art comme acte sacrificiel qui
permet d’expier la faute dont l’homme est chargé par le seul fait de vivre.
*
Mercredi 14 juin
LES NOCES DE FIGARO, de Mozart, réalisé par Herbert GRAF (1956, noir et blanc, 160 min.)
avec Heinz Rehfuss (le Comte Almaviva), Marcella Pobbe (La Comtesse Rosina), Nicola
Rossi Lemeni (Figaro), Rosanna Carteri (Susanna), Dora Gatta (Cherubino), Orchestre et choeurs de la RAI de Milan, dirigés par Nino
Sanzogno
Les Noces de Figaro avait été, en
1922, le premier opéra mis en scène par Herbert Graf. Héros en son enfance
d’une célèbre étude de Freud sur la phobie, Graf était un musicien éduqué qui
fut formé très jeune à tous les métiers du théâtre. Il magnifie par une
infinité de détails une œuvre qu’il connaît à la perfection. Les plus petits
gestes et déplacements témoignent de la recherche d’une justesse d’ordre
théâtral et musical, et composent peu à peu le caractère inimitable de
personnages, qui réclament, quelle que soit leur génération, le droit à la
séduction. Le montage, limité au minimum, ne brise jamais l’unité d’une action
qui est ainsi aussi excitante que la souhaitait Beaumarchais. Avec une démarche
résolument artisanale, Graf crée des cadres filmiques rigoureux pour montrer précisément
ce qu’il veut voir. Les rapports entre les personnages parfaitement
différenciés par la conjugaison du théâtre et du cinéma, semblent naître de la
musique pour donner au spectateur
une pure joie mozartienne.
*
Lundi 19 juin
LE MIKADO, de
Gilbert et Sullivan, réalisé par
Martyn Green (1960, noir et blanc, 60 min.)
avec Groucho Marx, Helen
Traubel, Stanley Holloway, Dennis King, Robert Rounseville, Melinda Marx, Bell
Telephone Hour Orchestra dirigé par Donald Voorhees
Le plus fameux opéra-comique de Gilbert
et Sullivan, dont les mélodies spirituelles et les paroles facétieuses sont
connues par cœur par tous les anglo-saxons, est ici réduit à une heure pour les
exigences d’une émission télévisée. Ce film est une œuvre délicieusement
composite : réalisée par Martyn Green, qui avait tenu le rôle de Koko dans
l’adaptation cinématographique de 1939, elle mêle Groucho Marx - fanatique
déclaré des œuvres de Gilbert et Sullivan – et sa fille de treize ans, avec les
stars de l’opéra ou de l’opérette, parmi lesquels l’ancienne diva wagnérienne Helen
Traubel, reconvertie à la comédie musicale. Green, garant de l’authenticité de
cette entreprise aventureuse, présente lui-même, le monocle à l’œil, cette
heure de fantaisie pendant laquelle tout est permis et qui réjouit autant les
adultes que les enfants.
*
DU JOUR AU LENDEMAIN, de Schönberg, réalisé par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet
(1997, noir et blanc, 65 min.)
avec Christine Whittlesey (la
femme), Richard Salter (le mari), Claudia Barainsky (l’amie), Richard Karcykowski
(le chanteur), Annabelle Hahn (l’enfant), Orchestre symphonique de la radio
de Francfort, dirigé par Michael Gielen
Un couple rentre à la maison
après une soirée entre amis. L’homme se rappelle une élégante amie d’enfance de
sa femme avec qui il a bavardé. Il fait remarquer avec brusquerie à son épouse
la différence entre cette femme et elle-même. L’épouse ne va pas se laisser
faire… Mélange miraculeusement réussi de musique, d’humour, de réflexion sur
l’infidélité conjugale et le comportement de la bourgeoisie, Du Jour au lendemain est souvent cité
parmi les chefs-d’œuvre du film d’opéra. Le film fut réalisé dans un studio
ouvert pour placer l’orchestre et les caméras en regard des chanteurs. Toutes
les prises de chacun des plans du film furent faites en son direct, pour
l’orchestre comme pour les chanteurs (tandis que l’orchestre avait été
préenregistré seul lors du tournage du précédent film d’opéra des Straub, Moïse et Aron, en 1975). Les positions
de caméra - qui furent définies avec précision pour qu’ensuite les meubles et
accessoires soient placés exactement et jamais déplacés pendant les trois
semaines de tournage - créent un cadre qui respire comme un poumon et dans
lequel chaque geste ou position corporelle exprime naturellement la grâce ou
l’esprit. Grâce au cinéma, Schönberg était devenu un classique.
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Jeudi 22 juin
L’ÉTOILE,
de Chabrier, réalisé par Roger Kahane (1969, 92 min.)
avec Jean-Christophe Benoit (Ouf 1er), Xavier
Depraz (Siroco), Eliane Lubin (Laoula), André Dran (Lazuli), Jacques Loreau
(Hérisson), Robert Andreozzi (Tapioca), Sybil bartrop (Aloés), Jean-Louis
Legoff (le chef de la police), Georges Lemoyne (le maire), chorégraphie de Nicole
Deshayes, costumes de Claude Catulle, Orchestre lyrique de l’ORTF dirigé par
Jean-Claude Hartemann
Cette vision cinématographique du
chef d’œuvre de Chabrier montre la virtuosité avec laquelle la télévision peut
traiter l’opéra pour le faire aimer aux mélomanes avertis comme aux candides,
aux adultes comme aux enfants. Chaque moment apporte une idée neuve et
spirituelle, porté avec enjouement par de grands chanteurs d’opéra-comique des
années soixante. Jean-Christophe Benoit semble être le roi Ouf 1er en
personne. La mise en scène trouve l’équilibre, rare à l’opéra comique, de ne
jamais devenir la parodie d’une parodie. L’euphorie nait de l’art avec lequel
la caméra de Kahane trouve ce qu’il faut montrer ou cacher. Le jeu visuel qui
s’installe entre la mise en scène,
la chorégraphie et les costumes est un des meilleurs exemples de ce que l’on a
ensuite appelé « l’école des Buttes-Chaumont ».
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Dimanche 25 juin CINÉ-CONCERT
LA VEUVE JOYEUSE, d’après l‘oeuvre de Franz Lehar, réalisé par E. von
Stroheim (1925, 120
min.)
accompagné au piano par
PIERRE-ALAIN VOLONDAT
avec Mae Murray (Sally O'Hara), John Gilbert (le Prince Danilo), Roy D'Arcy (le Prince Mirko), Josephine Crowell (la Reine Milena), George Fawcett (le Roi Nikita I), Tully Marshall (Baron Sixtus Sadoja, banquier), Edward Connelly (Baron Popoff, ambassadeur)
Lors du festival Opéra-Film-Art
2016, Pierre-Alain Volondat, un des plus grands pianistes français, avait déjà
donné des couleurs orchestrales à son accompagnement de Carmen de Lubitsch.
Développant, mêlant et faisant se répondre et s’enchaîner les thèmes, il
confère au cinéma muet la profondeur d’un chant.
« La Veuve Joyeuse », grand
succès public de 1925, fut déclaré meilleur film de l’année et Stroheim
meilleur réalisateur. Cette libre adaptation de l’opérette de Lehar témoignait
pourtant de la lutte d’un réalisateur d’avant-garde contre Hollywood et son époque, contre la censure, contre
les caprices des stars Mae Murray et John Gilbert ou l’autoritarisme des
producteurs Thalberg et Mayer. A la grande manière de l’opérette viennoise ou
parisienne (comme La Chauve-souris, La Veuve Joyeuse adapte une pièce française),
Stroheim insère dans son film une quantité de détails qui ne peuvent qu’être
lus comme des moqueries de tout ordre établi. Le banquier sur qui repose tout
le royaume repose lui même sur des maigres béquilles ; les décors,
costumes et accessoires sont tout
à tour magnifiques ou grotesques ; la figuration est nombreuse, mais
composée en bonne partie d’anciens soldats d’origines les plus diverses…
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Lundi 26 juin
BORIS GODOUNOV, de Moussorgski, réalisé par Vera Stroeva (1954, 110
min.)
avec Alexander Pirogov (Boris Godounov), Nikandr Khanayev (le Prince Chouisky) , Georgi Nelepp (Grigori, faux Dimitri), Maxim Mikhailov (PImen), Ivan Kozlovsky (l’innocent), Larisa Avdeeva (Marina), chœurs, ballet et orchestre du Théâtre
Bolshoi dirigés par Vassily Nebolsin
Avec son Boris Godounov, Stroeva transforme le monde en un opéra
aussi vaste que l’imagination. Nous croyons être assis aux côtés du
bouleversant innocent de Kozlovsky, au milieu d’une forêt de bras levés qui
réclament du pain. Et lorsqu’il dit doucement qu’il ne peut prier pour le roi
Hérode, le monde entier est saisi par son chuchotement et le tsar Boris effrayé
ne peut que se cacher son visage et se détourner lentement. L’année même de la
mort de Staline, Stroeva nous plonge en apparence dans la Russie de l’an 1600,
pour nous montrer un peuple généreux, porté par la foi, prêt à remettre en
question l’autorité des puissants. La caméra saisit les regards dubitatifs du
peuple lors de la profession de foi de Boris, et encourage les femmes à
malmener les hommes. Le tsar criminel fuit la folie en s’enfermant dans les
vastes architectures de ses palais et ses costumes magnifiques, pendant que
l’innocent pleure la Russie affamée au milieu de l’incendie allumé par les
luttes pour le pouvoir.